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Affichage des articles du juillet, 2015

citations de l'été (15)

Aube J'ai embrassé l'aube d'été. Rien ne bougeait encore au front des palais. L'eau était morte. Les camps d'ombres ne quittaient pas la route du bois. J'ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit. La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom. Je ris au wasserfall blond qui s'échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse. Alors je levai un à un les voiles. Dans l'allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l'ai dénoncée au coq. A la grand'ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassais. En haut de la route, près d'un bois de lauriers, je l'ai entourée avec ses voiles amassés, et j'ai senti un peu son immense corps. L'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois. Au réveil il était midi

citations de l'été (14)

Les arbres étaient vivants. Ils me dominaient ; il y avait des visages dans leur écorce craquelée, non tels qu'en ont les hommes, mais ceux des arbres eux-mêmes. Ils me contemplaient de tout leur haut, et je me recroquevillai sous leur regard. Ils débordaient de connaissance ; ils savaient tout sur moi, tout, jusqu'à ma plus infime pensée honteuse ou mon plus petit acte méprisable. Ils avaient le pouvoir de me juger et de me punir, et ils l'exerceraient sans plus attendre. Je sentis littéralement la terreur monter en moi. Le soldat chamane , Robin Hobb (pour ceux qui s'en souviennent, c'est la fin de la route du Roi, en pays Ocellion : le début de la suée de Guetis)

Citations de l'été (13)

Brusquement, une baleine Chaudron a émergé tout près de la chaloupe : avec beaucoup de précautions, elle a poussé Pedro et son embarcation pour les éloigner du bateau. Alors, obéissant à un appel qu'aucun autre homme n'a entendu sur les mers, un appel si aigu qu'il blessait les tympans, trente, quarante, cent, une multitude de baleines et de dauphins se sont mis à nager à toute allure jusqu'à toucher presque la côte pour se retourner avec une vitesse accrue et aller se briser la tête contre le bateau. A chaque nouvelle attaque, il y avait de nombreux morts, la tête éclatée, mais les autres cétacés ne s'en souciaient pas, et ils ont répété leurs assauts jusqu'à ce que le Nishin Maru*, drossé à la côte, menace de s'échouer. *  navire usine-baleinier Luis Sepulveda, Le monde du bout du monde

Citations de l'été (12)

L'enfant était cloué à la porte comme un oiseau de malheur. Ses yeux pleine lune étaient ceux d'une chouette. […]  Tous maintenant regardaient l'enfant. Or, même à travers les doigts poisseux du jeune stagiaire, l'enfant n'était pas beau à voir. Les gros clous à tête pyramidale - matériel authentiquement biblique selon l'imagerie hollywoodienne - avaient dû pulvériser les os, et la chair avait éclaté alentour. L'enfant ne semblait pas cloué, mais écrasé devant eux, précipité contre cette porte avec une force d'un autre âge. Daniel Pennac, Monsieur Malaussène

Citations de l'été (11)

Les vieillards oublient, mais tout sera oublié qu'il se rappellera encore, lui, avec des enjolivures, les exploits qu'il fit en ce jour. Nos noms alors, aussi familiers dans sa bouche que ceux de sa propre famille - le roi Henri, Bedford, Exeter, Warwick et Talbot, Salisbury et Glocester- seront parmi leurs verres débordants évoqués avec force.  Cette histoire, le bonhomme l'apprendra à son fils ; le jour de Crépin-Crépinien ne passera jamais, à compter d'aujourd'hui jusqu'à la fin du monde, sans qu'on se souvienne de nous ; de nous, cette poignée, cette heureuse poignée d'hommes, cette bande fraternelle : car quiconque aujourd'hui verse avec moi son sang sera mon frère. Fût-il né dans la condition la plus vile, ce jour va l'anoblir. Et les gentilshommes d'Angleterre, qui reposent en ce moment dans leur lit se croiront maudits de ne s'être pas trouvés ici. Comme ils se verront petits dans leur estime, quand ils entendront parler l

Citations de l'été (10)

Voici les récits que racontent les Chiens quand le feu brûle clair dans l’âtre et que le vent souffle du nord. La famille alors fait cercle autour du feu, les jeunes chiots écoutent sans mot dire et, quand l’histoire est finie, posent maintes questions : « Qu’est-ce que c’est que l’Homme ? » demandent-ils. Ou bien : « Qu’est-ce que c’est qu’une cité ? » Ou encore : « Qu’est-ce que c’est que la guerre ? » On ne peut donner à ces questions de réponse catégorique. Les hypothèses ne manquent pas, ni les théories, ni les suppositions les mieux fondées, mais rien de tout cela ne constitue véritablement une réponse. Dans le cercle de famille, plus d’un conteur a dû recourir à l’explication classique : il ne s’agit là que d’un conte, l’Homme n’existe pas et non plus la cité, et d’ailleurs ce n’est pas la vérité qu’on recherche dans une légende mais le plaisir du conte. Clifford Simak, Demain les chiens

Citations de l'été (9)

Alors les voix des Ainurs, tels des harpes, des luths des flûtes et des trompettes, des violes et des orgues, tels des chœurs aux voix innombrables, commencèrent à tisser le thème d'Iluvatar dans une harmonie grandiose. Le son des mélodies qui se fondait sans fin l'une dans l'autre s'éleva pour tisser une harmonie qui dépassa les limites de l’ouïe en hauteur comme en profondeur, les demeures d'Iluvatar furent pleine à déborder d'une musique dont les échos atteignirent le Vide, et ce ne fut plus le vide. JRR Tolkien, Le Simarillion

Citations de l'été (8)

[...] Il fallut aux racines La patience de l'eau filtrant dans les cavernes Pour retrouver au fond du métal et du sable La lumière arrachée. Mais de ces tiroirs rouges - ce lit d'initiation Là-bas, dans une armoire dont les puissances veillent et vivent de tuer, remonte encore parfois, comme une odeur d'alcool, La fascinante absence d'un langage détruit. Jean-Claude Renard, La braise et la rivière

Citations de l'été (7)

Je voudrais me retirer sur mes terres, dans mon rêve, à l'abri douloureux et tranquille des souvenirs. Et pour cela, les oublier tous. Tous ces Janus qui supportent la duplicité nécessaire de la vie. Je voudrais une seule vie. Sans brisure. La paix. Max Gallo, l'oiseau des origines

Citations de l'été (6)

- Et jusqu'à quand vous croyez qu'on va pouvoir continuer ces putains d'allées et venues ? demanda-t-il. Florentino Ariza connaissait la réponse depuis cinquante-trois ans, sept mois, onze jours et onze nuits. - Toute la vie, dit-il. Gabriel Garcia Marquez, L'amour aux temps du choléra

Citations de l'été (5)

Le moindre mot est pour moi entouré d'arpents de silence et lorsque j'ai enfin réussi à le tracer sur la page, il a l'air de se trouver là comme un mirage, une particule de doute scintillant dans le sable. Un mur me sépare de mes propres pensées, je me sens coincé dans un no man's land entre sentiment et articulation, et en dépit de tous mes efforts pour tenter de m'exprimer, j'arrive rarement à mieux qu'un bégaiement confus. Paul Auster, Léviathan

Citations de l'été (4)

Je ne connaîtrai pas la peur car la peur tue l'esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. J'affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.  Dune , litanie Bene Gesserit, Frank Herbert

Citations de l'été (3)

- Ecoute-moi ben, mon p'tit gars... C'est vrai que j'vas me forcer pour les aimer, ces contes-là, même si j'les haïs pour tuer ! Mais tu le sauras jamais parce que j'vas probablement te dire que c'est le plus beau livre que j'ai jamais lu de toute ma vie ! Pour te faire plaisir. Pis pour me faire plaisir ! Y'est pas question, m'entends-tu, que mon enfant aye pas écrit le plus grand livre de toute l'histoire de la littérature mondiale ! - J'veux que tu sois honnête, moman ! - Mon p'tit gars, une mère, c'est jamais honnête ! Un ange cornu avec des ailes en tôle , Michel Tremblay

Citations de l'été (2)

Faudra d’abord que tu me passes sur le corps, me défiait Harriet, si bien que je me distrayais souvent en imaginant ma femme gisant dans une flaque de sang sur le sol de la cuisine tandis que je creusais sa tombe près du corral, après quoi je sautais dans un avion à destination de Rome avec 70 000 dollars dans mon jean et une nouvelle vie sur la Piazza Navona, en compagnie d’une brune pour changer. Elle était pourtant adorable mon Harriet : vingt-cinq ans qu’elle tenait le coup à mes côtés ; elle m’avait donné trois fils et une fille, dont j’aurais joyeusement échangé n’importe lequel, voire les quatre, contre une Porsche neuve, ou même une MG GT ’70.   John Fante, Mon chien Stupide

Citations de l'été (1)

Cet été, quelques extraits choisis de romans ou de poèmes que j'ai aimés, pour savourer ensemble le goût des mots sous la langue, le rythme qui s'impose parfois à votre palpitant au gré de leur danse folle, leur parfum d'enfance ou le grincement glacé, parfois, qui vous étreint l'âme. Des mots qui me parlent. J'espère qu'ils sauront aussi, du bout de l'aile, caresser vos secrets. On courait sans le savoir les uns vers les autres. Certaines personnes sont peut-être faites pour habiter la même histoire, quoi qu'il arrive. Le soleil est pour toi , Jandy Nelson  (un roman d'été roudoudou-amer, par l'auteur du Ciel est partout. Merci Laureline et Valérie, vous aviez raison !)