Les histoires en héritage

Il y a quelques années, j'ai écrit avec un grand plaisir Ours fait ce qu'il veut, paru en 2008 aux éditions Benjamins Média (merci Rudy, encore et toujours !), et illustré par Delphine Chedru.
Dans cet album, j'avais envie de parler des caïds des cours de récréation, de ceux qui n'ont que la violence comme moyen d'expression. J'avais envie d'une histoire d'ours grognon, égoïste et qui détruisait tout sur son passage.



Si on m'avait dit à cette époque que cette histoire, je ne l'avais pas inventée, j'aurais doucement rigolé. Bien sûr que si, je l'avais créée ! Je savais même exactement lors de quel événement précis elle était née.
Enfin, je suis auteur, pas plagiaire !



Sauf que...

Cet été, nous avons dû vider la maison de ma grand-mère, de la cave au grenier. Nous avons trié les meubles, les draps et les livres. Les romans, et les albums pour tout-petits que mamie me lisait quand j'avais 4 ou 5 ans.

Et c'est là que L'Ours Patapouf m'a sauté aux yeux. Et tout m'est revenu. Plus de trente ans après, cette histoire a ressurgi de ma mémoire par touches lumineuses, fragiles et gaies.



Patapouf, c'est l'histoire d'un ours grognon, violent, qui aime par dessus tout casser les maisons des habitants de la forêt.
Impossible de nier l'évidence : Patapouf, paru en 1950 chez Gautier-Languereau et écrit par Angela Gipson Morrell, est l'ancêtre de mon Ours !

"Ohé, là-dedans ! C'est moi, l'ours Patapouf. Je vous préviens honnêtement : je vais compter jusqu'à trois, et puis... pouf, patapouf !" , lance-t-il en leitmotiv à chaque page, tandis que mon refrain à moi répète "Mais Ours s'en moque, c'est lui le plus fort, il fait ce qu'il veut."




Alors bien sûr, les deux histoires ne s'acheminent pas vers la même fin : mon Grognon trouve la voie de la rédemption, tandis que Patapouf, lui, doit s'enfuir pour toujours de la forêt.
 Mais tout de même, mon histoire plonge ses racines profondément dans ce vieil album.


Et loin de me désoler (après tout, je fais partie des gens convaincus que toutes les histoires ont déjà été écrites, et que nous ne faisons que les rafraîchir, les éclairer différemment, leur donner un angle d'attaque nouveau), je trouve cela très émouvant de savoir que les lectures soir après soir de ma grand-mère ont laissé leur empreinte inconsciente dans mon imaginaire, que je les transporte avec moi, qu'elles vivent à mes côtés depuis si longtemps, veillant sur mes rêves en secret.

J'ai reçu des tonnes d'histoires en héritage, et à mon tour, je leur donne une nouvelle vie, je les transmets à d'autres qui en prendront soin à leur tour.
Et je trouve que c'est drôlement beau.

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